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Solutés de remplissage vasculaire

Mise à jour le 1er juillet 2007, par Thierry Hannedouche, Temps de lecture estimé : 9 min.
 
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1. Produit sanguin d’origine humaine

1.1. Sang total :

Le sang total ne doit plus être utilisé.

1.2. Concentrés de globules rouges.

En cas d’hémorragies importantes ou d’hémodilution extrême, un apport d’érythrocytes est le plus souvent nécessaire pour corriger la baisse excessive de l’hématocrite menaçant l’oxygénation tissulaire (hématocrite < 25 - 30 %) ou mal tolérée (anémie aiguë, insuffisance coronaire). En général, l’hématocrite ne doit pas être augmentée au-dessus de 35 % : une augmentation supplémentaire n’est pas nécessaire pour faciliter le transport de l’oxygène et pourrait augmenter la viscosité sanguine, ce qui potentiellement aggrave la stase dans une circulation capillaire déjà compromise. L’administration de concentré de globules rouges nécessite le respect des règles transfusionnelles classiques.

1.3. Plasma frais congelé

Le plasma frais congelé (PFC) ne doit plus être utilisé au seul motif de remplissage vasculaire. Le plasma frais congelé se présente en poche de 200 - 250 ml contenant environ 50 g/l de protides et 70 % du taux normal des facteurs de la coagulation. Son pouvoir d’expansion volémique est égal au volume perfusé. Etant donné le risque infectieux potentiel, sa prescription est soumise aux lois concernant les produits sanguins.

L’utilisation du PFC à des fins thérapeutiques est légalement réservée aux situations qui l’exigent de façon indiscutable :

  • coagulopathie grave de consommation avec effondrement de tous les facteurs de coagulation,
  • hémorragie aiguë avec déficit global des facteurs de la coagulation,
  • déficit complexe, rare en facteurs de coagulation lorsque les fractions coagulantes spécifiques (recombinantes) ne sont pas disponibles,
  • solution de substitution lors d’échange plasmatique pour une microangiopathie thrombotique systémique (déficit génétique ou acquis en enzyme de conversion du facteur von Willebrand).

1.4. Albumine

Deux solutions d’albumine sont disponibles en France, l’une diluée à 4 % assure une expansion volémique légèrement inférieure au volume perfusé, l’autre concentrée à 20 % exerce un pouvoir d’expansion 4 à 5 fois supérieur. Ces deux solutions sont iso-osmolaires par rapport au plasma. Pour une même quantité d’albumine, la solution à 4 % apporte 5 fois plus de NaCl et d’eau.

En remplissage vasculaire, la solution d’albumine, même concentrée à 4 % est actuellement réservée seulement aux cas d’allergie connue aux colloïdes de synthèse ou chez la femme enceinte ; ces indications lui sont exclusives.

En dehors du remplissage vasculaire l’albumine peut être indiquée en cas de pertes protidiques massives et prolongées associées à un défaut de synthèse :

  • certaines formes brûlures graves
  • insuffisance hépatique aiguë transitoire post-opératoire
  • correction de certaines ascites réfractaires aux diurétiques ou en prévention du syndrome hépato-rénal au cours des péritonites bactérinnes spontanées.
  • certaines formes de syndromes néphrotiques intenses hypovolémiques avec syndrome oedémateux réfractaire aux diurétiques
    Les solutions d’albumine humaine sont coûteuses, exigent une traçabilité et présentent un risque biologique non nul. L’incidence des réactions anaphylactoïdes est de 0,01 %, les solutions d’albumine à 20 % sont réservées aux situations d’hyponatrémie sévère ou d’inflation hydrosodée.
Principales données physiologiques concernant l’albumine
L’albumine est une protéine monocaténaire de masse moléculaire 66458 daltons. L’albumine est la protéine plasmatique de plus bas poids moléculaire avec un encombrement stérique important lui permettant cependant de diffuser à travers les membranes capillaires. La structure primaire est un polypeptide de 585 acides aminés, replié en une structure tridimensionnelle compacte de forme ovoïde de 42 x 141 A, stabilisée par 17 ponts disulfures. La molécule d’albumine ne contient pas d’asparagine, site habituel de glycation enzymatique des protéines plasmatiques mais peut subir une faible glycation non-enzymatique sur les groupements epsilon-amino, en particulier celui de la lysine 525.
La structure tertiaire présumée est un enchainement polypeptidique en 9 doubles boucles regroupées en 3 domaines homologues de 3 boucles chacun. Le repliement de la molécule en une structure tertiaire compacte contribue à la formation de sites de fixation de substances physiologiques (acides gras libres, bilirubine, métaux…) ou pharmacologiques (aspirine, ibuprofène, furosémide et de nombreux médicaments circulants sous forme ionisée dans le plasma). L’albumine agit sur l’activité thérapeutique des médicaments en modifiant l’équilibre entre leur forme active et leur forme liée inactive.
L’albumine assure 60 à 80 % de la pression oncotique plasmatique et influe sur les mouvements liquuidiens entre les secteurs interstitiel et intravasculaire. La taille des molécules et leur charge électrique faiblement négative conditionnent son expansion volémique. L’espace de distribution est l’espace plasmatique (40-45%) et l’espace extravasculaire (55-60%). La charge électrique globale résultant de la présence d’acides aminés chargés à la surface de la molécule, lui assure une hydrophobie élevée : 1 gramme d’albumine retient environ 18 ml d’eau. Ceci explique l’effet d’expansion volémique élevé et prolongé (6-8 heures). La demi-vie d’élimination de l’albumine est d’environ 19 jours. L’albumine diffuse dans le secteur interstitiel puis regagne le secteur plasmatique par le drainage lymphatique. Un mécanisme de régulation permet de maintenir l’équilibre entre la synthèse hépatique endogène et sa dégradation. LK’apport d’albumine exigène diminue le catabolisme de l’albulmine sans en modifier la synthèse.

2. Substituts du sang

Des données expérimentales démontrent que le pronostic du choc hémorragique corrèle avec l’hypoxie tissulaire si bien que des substituts sanguins acellulaires transporteurs d’oxygène pourraient améliorer le pronostic lorsque des transfusions érythrocytaires ne sont pas immédiatement disponibles. Plusieurs solutions à base d’hémoglobine synthétique ou composés perfluorés semblent améliorer la survie et améliorer le métabolisme tissulaire normal par rapport aux solutés cristalloïdes. Ces données expérimentales n’ont pas été validées pour l’instant dans des essais chez l’homme.

3. Les colloïdes de synthèse

Les 3 types de colloïdes synthétiques écartent les risques de transmission des maladies infectieuses, sont tous compatibles avec tous les groupes sanguins, se conservent à température ordinaire, sont facilement disponibles et sont de coût très inférieur aux produits d’origine humaine.

L’effet des colloides est lié à leur pouvoir oncotique. Contrairement aux solutions d’albumine humaine, ce sont des solutions polydispersées qui sont caractérisées par un poids moléculaire en poids (PMp) et un poids moléculaire en nombre (PMn). Globalement le PMn renseigne sur l’activité oncotique alors que la viscosité est proportionnelle au PMp et à la concentration de la solution. Le PMp s’il est inférieur à 60 000 daltons entraîne une élimination rénale prépondérante ce qui est par exemple le cas des gélatines.

3.1. Dextrans

Les dextrans sont des polymères de glucose d’origine bactérienne. On distingue les dextrans de bas poids moléculaire (Plasmacair® ou Rhéomacrodex®) et les dextrans de haut poids moléculaire moyen (Hemodex®). Ce sont des expandeurs plasmatiques efficaces mais ils sont peu utilisés en France en raison des effets secondaires. Les dextrans modifient l’hémostase en allongeant le temps de saignement et en facilitant la fibrinolyse (dose posologique quotidienne limitée à 1,5 g/kg). Les dextrans peuvent être responsables de réactions allergiques ; ces réactions allergiques peuvent être prévenues par l’administration d’un dextran haptène de petit poids moléculaire (Promit®). Le dextran 40 à 10 % a été impliqué dans la survenue d’insuffisance rénale aiguë oligoanurique lorsqu’il est administré à très fortes doses non thérapeutiques.

3.2. Les gélatines

Les gélatines sont obtenues par desintégration du collagène d’origine bovine. On distingue les gélatines fluides modifiées (Gélofusine®, Plasmagel®, Plasmion®) et les gélatines à pont d’urée (Haemaccel®).
L’expansion volémique est de l’ordre de 70 - 80 % du volume perfusé. L’effet volume ne dépasse pas 3 à 4 heures. L’avantage des gélatines est qu’elles n’interfèrent pas avec l’hémostase et n’ont donc pas de limitation du volume à perfuser. Elles n’ont pas d’effets rénaux défavorables. Le seul effet indésirable à considérer est la survenue possible de réactions allergiques. L’incidence des réactions anaphylactoïdes est de 0,35 %.
Les gélatines fluides modifiées (GFM) différentes des gélatines à pont d’urée induisent une expansion plasmatique d’un volume équivalent au volume perfusé et leur élimination est principalement urinaire. Les gélatines fluides modifiées sont la seule alternative thérapeutique lors des phases de saignement actif.

3.3. Les amidons

Les amidons ou plus précisément solutions d’hydroxy-éthyl-amidon (HEA) sont des polysaccharides naturels modifiés et composés essentiellement d’amilopectines (amidons végétaux extraits du maïs). Les molécules d’amidons contiennent un pourcentage déterminé de molécules de glucose qui ont subi une hydroxylation pour rendre la molécule plus résistante à l’action de l’amylase. L’hydrolyse par l’amylase qui est donc une fonction inverse du degré d’hydroxylation (substitution molaire) libère de nouvelles molécules ayant un pouvoir oncotique.
Les HEA sont constituées d’unités de glucose reliés par des liaisons glycosidiques alpha 1-4 et 1-6 et des groupements hydroxy-éthylés situés en C2 et C6, voire C3. Ces solutions sont définies par des caractéristiques physico-chimiques importantes à connaître puisque certaines conditionnent le comportement in vivo, l’efficacité et la tolérance.

On distingue 2 sous-familles d’HEA en fonction des paramètres de substitution qui sont spécifiques à cette classe thérapeutique : le TSM ou taux de substitution molaire (il correspond au nombre total de groupes hydroxy-éthylés divisés par le nombre total de molécules de glucose) et le rapport C2/C6 qui correspond au nombre de carbone hydroxy-éthyl en C2 divisé par le nombre de ceux hydroxy-éthylés en C6 sur les molécules de glucose. On distingue donc l’HEA faiblement substitué à TSM et rapport C2/C6 bas (TSM 0,5, C2/C6 : 5/1) et l’HEA fortement substitué à TSM et rapport C2/C6 élevé (TSM 0,62, C2/C6 : 9/1).

La pharmacocinétique est complexe car elle comprend une hydrolyse intravasculaire par l’alpha amylase qui est donc retardée si l’hydroxy-éthylation est prédominante en C2, puis une élimination rénale des molécules de poids moléculaire inférieur à 60 000. A ces deux mécanismes s’associe pour la solution fortement substituée un phénomène d’accumulation à long terme délétère pour l’organisme mais sans amélioration de l’efficacité volémique et qui exclut la possibilité de perfusions répétées.

Les paramètres de substitution permettent d’orienter le choix thérapeutique, de préférence vers la solution la plus faiblement substituée en raison de son efficacité et de sa meilleure tolérance. L’Elohès® concentré à 6 % a un pouvoir oncotique proche du plasma et détermine une expansion volémique initiale supérieure au volume perfusé (140 %) mais retardée de 3 heures. Son action est prolongée sur 24 heures grâce à un taux de substitution molaire de 0,62. L’Hestéril® 6 % a un taux de substitution de 0,5 et donc une durée d’action plus courte.
Les hydroxyéthylamidons 200 sont pratiquement dépourvus d’effet secondaire sur l’hémostase pour des posologies inférieures à 30 ml/kg. L’incidence des réactions anaphylactoïdes est de 0,06 %.

4. Les cristalloïdes

Les cristalloïdes sont des solutés cristalloïdes isotoniques. Ils sont représentés par le chlorure de sodium à 9 ‰ et le ringer-lactate. Ils n’ont pas de pouvoir oncotique mais permettent de maintenir l’homéostasie plasmatique et corrigent le déficit interstitiel toujours présent. Ils contribuent à mobiliser l’albumine interstitielle de façon précoce et abondante. Ces cristalloïdes isotoniques ont un pouvoir de remplissage 4 à 5 fois plus faible que les colloïdes. Leur durée d’action est de quelques dizaine de minutes.

Les avantages de ces solutés sont leur faible coût, l’absence d’effet secondaire et la correction simultanée d’une déshydratation interstitielle. Cependant la correction de l’hypovolémie est lente, nécessite des apports importants avec un risque de surcharge hydrosodée essentiellement périphérique.

Le Ringer lactate est volontiers préconisé en raison de la présence de lactate, précurseur du bicarbonate qui évite l’acidose de dilution liée à l’hyperchlorémie du NaCl à 9 ‰. Cependant, cette solution légèrement hypotonique (273 mosmol/kg contre 308 mosm/kg pour le chlorure de sodium isotonique 9 ‰) peut être responsable d’une hyponatrémie ou peut aggraver une hyponatrémie préexistante lorsque perfusée en grande quantité. Pour cette raison, le Ringer-lactate est contre-indiqué en cas de traumatisme crânien. Le Ringer-lactate contient 5 à 6 mmol/l de potassium et il est donc contre-indiqué en cas d’hypokaliémie. Enfin, le Ringer-lactate contient 28 mmol/l de lactate métabolisé par le foie en bicarbonate. Le Ringer-lactate est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique patente, en cas d’acidose lactique et d’une façon générale en cas d’acidose sévère et enfin au cours de toutes les situations d’alcalose métabolique, de l’insuffisance cardiaque et d’une façon générale au cours de tous les syndromes oedémateux en raison du risque d’aggravation de l’alcalose métabolique et de l’hypokaliémie.