Objectifs : Questions
1.1. Hypertension artérielle
Un excès en minéralocorticoïdes peut être suspecté chez tout patient ayant la triade hypertension artérielle, hypokaliémie inexpliquée et alcalose métabolique. L’hypokaliémie fortement évocatrice doit être recherchée systématiquement lors de l’évaluation initiale d’un sujet hypertendu et avant toute prescription médicamenteuse (pas de diurétique en cas d’hypokaliémie préexistante !).
L’étude familiale systématique de certaines formes rares d’hyperaldostéronisme familial a montré l’expression inconstante soit de l’hypokaliémie soit de l’hypertension artérielle démontrant que des facteurs environnementaux (apport en sel par exemple) modulent considérablement l’expression clinique d’un excès de minéralocorticoïdes.
1.2. Hypokaliémie
L’association d’une hypokaliémie < 3.6 mmol/l en l’absence de traitement diurétique associée à une kaliurèse inadaptée et une hypertension artérielle doit faire évoquer en priorité un hyperminéralocorticisme.
L’hypokaliémie induite par l’excès de minéralocorticoïde résulte d’une fuite urinaire de potassium. Le recueil des urines de 24 heures obtenu en l’absence de tout traitement diurétique et en régime normosodé met en évidence une fuite urinaire inappropriée de potassium définie par une concentration urinaire de potassium supérieure à 30 mmol/jour chez un patient hypokaliémique ( [1].
La reconnaissance récente de formes normokaliémiques d’hyperminéralocorticisme (jusqu’à 25 % des cas ?) a fait remonter la valeur seuil de kaliémie justifiant l’exploration hormonale. L’analyse par courbe ROC indique cependant que le risque de méconnaître un hyperaldostéronisme est très faible lorsque la kaliémie est > 3,9 mmol/l.
Dans les formes normokaliémiques d’hyperminéralocorticisme primitif, le diagnostic peut être parfois évoqué secondairement en cas de résistance au traitement usuel ou par la survenue d’une hypokaliémie profonde et persistante sous traitement diurétique.
En pratique il semble justifié de réaliser une exploration hormonale lorsque l’hypertension artérielle est sévère ou résistante, si la kaliémie est régulièrement < 3.9 mmol/l ou si la kaliémie baisse franchement sous traitement diurétique.
1.3. Alcalose métabolique
L’excès en minéralocorticoides est associé à une augmentation de la réabsorption sodée, avec expansion volémique, une hypokaliémie avec kaliurèse élevée, une excrétion nette d’acide augmentée (stimulation de l’ammoniogénèse) et une réduction de la filtration glomérulaire. Le degré d’alcalose métabolique est lié à la sévérité de l’hypokaliémie. La particularité est l’augmentation de la chlorurèse > 20 mmol/l témoignant d’une expansion volémique.
Au cours des hyperaldostéronismes primitifs, la concentration plasmatique de bicarbonate est > 30 mmol/l dans 85 % des cas et > 40 mmol/l dans 40 %.
L’évaluation séquentielle d’un patient ayant une hypertension artérielle et une hypokaliémie doit comprendre les tests suivants :
2.1. Activité rénine plasmatique
La mesure de l’activité rénine plasmatique doit être réalisée devant une HTA avec hypokaliémie par fuite rénale de potasssium.
2.2. Aldostérone plasmatique ou urinaire
La situation la plus fréquente est l’augmentation de la concentration plasmatique d’aldostérone supérieure à 30 ng/dl ou une augmentation de l’excrétion urinaire d’aldostérone des 24 heures (supérieure à 15 mcg/jour). La persistance de la sécrétion d’aldostérone malgré l’hypervolémie témoigne du caractère autonome de la sécrétion d’aldostérone (hyperaldostéronismes primitifs).
Dans certains cas plus rares, la concentration plasmatique d’aldostérone est effondrée ce qui suggère la présence et l’action d’autres minéralocorticoïdes que l’aldostérone (voir Section 3).
2.3. Rapport aldostérone/rénine
L’aldostéronémie élevée et l’activité rénine plasmatique basse au cours de l’hyperaldostéronisme primitif a fait proposer d’utiliser le rapport aldostérone plasmatique/activité rénine plasmatique comme une méthode de dépistage de cette affection.
Ce rapport constitue un bon examen de débrouillage à condition de le réaliser dans des conditions strictes, standardisées et d’établir ses propres valeurs de référence :
La valeur moyenne du rapport AP/ARP est 4 à 5 chez les sujets témoins normotendus et chez les patients avec hypertension artérielle essentielle contre plus de 30, voire 50 chez la plupart des patients ayant un hyperaldostéronisme primitif. La combinaison d’une concentration plasmatique d’aldostérone supérieure à 20 ng/dl et d’un rapport AP/ARP supérieur à 30 a une sensibilité et une spécificité de 90 % pour le diagnostic d’hyperaldostéronisme primitif.
Le rapport AP/ARP est indiqué chez des patients ayant une HTA avec hypokaliémie ou une HTA sévère ou résistante, situation où il est généralement rentable de dépister et rechercher une cause spécifique. Il est dans ce cas plus difficile d’interrompre les médicaments antihypertenseurs.
Rappelons que ce test ne détecte pas les patients qui ont un excès de minéralocorticoïdes autres que l’aldostérone .
Encadré : Dans quelles circonstances faut-il rechercher un HAP (mesurer le rapport aldo/ rénine) ? |
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Sur une base clinico-biologique, trois sous-groupes d’hyperminéralocorticisme peuvent être schématiquement distingués selon le niveau de rénine et d’aldostérone circulante.
3.1. Hyperaldostéronisme secondaire
L’hyperaldostéronisme est secondaire à l’activation du système rénine-angiotensine (rénine élevée). L’hyperaldostéronisme secondaire associé à une HTA traduit globalement une ischémie rénale. L’hyperaldostéronisme secondaire s’observe au cours de diverses formes d’hypertension comme l’hypertension artérielle maligne, l’hypertension rénovasculaire et les rarissimes tumeurs sécrétant de la rénine (réninome).
Principales causes d’hyperaldostéronisme secondaire et d’hyperréninisme |
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Artériographie d’une tumeur à rénine. Ces tumeurs sont des hémangiopéricytomes hautement vasculaires et développés au dépends des péricytes péricapillaires de Zimmerman et des veinules postcapillaires. Ces tumeurs peuvent être ausi associées à une ostéomalacie oncogénique ou à un syndrome de Kasabach-Merritt
Aspect histologique de cette même tumeur : coloration immunohistochimique révélant la rénine
3.2. Hyperaldostéronisme primitif
L’hyperminéralocorticisme peut être primitif, lié à l’excès de production d’un minéralocorticoïde actif. Dans 90% des cas le minéralocorticoide responsable est l’aldostérone.
Les hyperaldostéronismes primitifs sont liés pour 2/3 des cas à un adénome surrénalien et dans les cas restants à une hyperplasie bilatérale de la surrénale. L’hypertension est dans ce cas induite par la rétention hydrosodée et l’expansion volémique qui freine la sécrétion de rénine et d’angiotensine II (rénine circulante basse ou effondrée).
Plus exceptionnellement il s’agit d’un hyperaldostéronisme familial de type 1 encore appelé hyperaldostéronisme suppressible par les glucocorticoïdes (GRA) au cours duquel l’excès de sécrétion d’aldostérone est lié à la stimulation par l’ACTH.
Principales causes d’hyperaldostéronisme primitif (rénine basse) |
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3.3. Hyperminéralocorticisme à aldostérone basse (= pseudo-hyperaldostéronisme)
Il existe des signes d’activité excessive des minéralocorticoïdes mais liée à un agent autre que l’aldostérone. Dans ce cas, la rénine et l’aldostérone plasmatiques sont effondrées.
Les principales circonstances sont les suivantes :
Principales causes d’hyperminéralocorticisme à aldostérone basse |
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[1] L’interprétation doit être faite en tenant compte de la volémie et de l’excrétion sodée. Le patient ne doit pas être en régime désodé ou hypovolémique (natriurèse inférieure à 50 mmol/jour) car la diminution de l’excrétion de sodium et surtout de son débit au niveau du site distal de sécrétion du potassium peut diminuer l’excrétion de potassium même chez les patients avec un hyperaldostéronisme.
Voir en ligne : Hyperaldostéronismes primitifs