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Régulation du bilan du sodium et de l’eau

ECN - Item 219 - 323

Mise à jour le 7 août 2007, par Thierry Hannedouche, Temps de lecture estimé : 8 min.
 
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Objectifs

  • Rappels physiopathologiques pour la compréhension des désordres hydro-électrolytiques

Le contenu en sodium de l’organisme gouverne le volume extra-cellulaire et la volémie alors que le contenu en eau de l’organisme détermine la concentration plasmatique de sodium (natrémie).

L’organisme perçoit l’osmolalité et la volémie et les régule en altérant le contenu de l’eau et du sodium de l’organisme respectivement. L’eau peut être déplacée seulement par osmose et comme les sels de sodium sont les principaux ions extracellulaires osmotiquement actifs, la régulation de l’eau et du sodium sont très étroitement liées. L’organisme contrôle directement l’osmolalité et le volume du liquide extracellulaire et intravasculaire et ceci influence l’osmolalité et le volume des autres compartiments.

L’eau de l’organisme existe dans les compartiments extra et intracellulaires. Le compartiment extracellulaire comprend les espaces intravasculaires et extravasculaires qui sont en équilibre approximatif. Les sels de sodium rendent compte d’environ 280 des 290 mosmol/kg d’eau dans le fluide extracellulaire. Puisque le sodium est activement pompé en dehors des cellules, les sels de sodium rendent compte pour seulement 40 % des 290 mosmol/kg d’eau dans le liquide intracellulaire.

1. Régulation de l’osmolalité

Sauf en cas de modification massive de la volémie, comme par exemple au cours d’une hémorragie aiguë, l’osmolalité est habituellement maintenue aux dépens des variations de la volémie. Tous les compartiments de l’organisme sont en équilibre osmotique et il n’y a qu’un seul type d’osmorécepteur dans l’hypothalamus antérieur, à côté des noyaux supra-aortiques. Les osmorécepteurs contrôlent l’ingestion d’eau en altérant la soif et l’excrétion rénale d’eau en modifiant la libération d’ADH.
Les variations de la concentration de sodium influencent l’osmolalité. Par exemple, l’ingestion de sel augmente l’osmolalité plasmatique provoquant la soif et réduisant l’excrétion rénale d’eau. Ceci augmente la volémie et réduit la concentration de sel et l’osmolalité mais cela n’altère pas la quantité de sel présente. Ainsi l’osmorégulation contrôle la concentration plasmatique de sodium en modifiant la balance hydrique mais ne contrôle pas le contenu en sodium de l’organisme.

Schéma : régulation de l’osmolalité

1.1 Principaux déterminants de l’osmolalité

L’osmolalité plasmatique dépend principalement de la concentration des cations monovalents dans les liquides biologiques donc de la natrémie en ce qui concerne le plasma. L’osmolalité plasmatique peut être estimée à partir de la formule suivante :

osmolalité plasmatique = 2 (natrémie + kaliémie) + glycémie

Les valeurs étant exprimées en mmol/l.
L’urée est parfois incorporée dans cette formule mais dans la mesure où cette petite molécule diffuse librement à travers les membranes, elle ne se comporte pas de façon osmotiquement active.

1.2 Importance clinique de l’osmorégulation

En raison de la capacité de l’eau à diffuser librement à travers pratiquement toutes les membranes cellulaires, la maintenance d’une concentration plasmatique de sodium relativement constante ainsi que de l’osmolalité plasmatique est essentielle au maintien du volume cellulaire particulièrement dans le cerveau. Ainsi une réduction aiguë de l’osmolalité plasmatique et de la concentration plasmatique de sodium sur quelques heures crée un gradient osmotique à l’origine d’un mouvement d’eau depuis le secteur extracellulaire vers la cellule responsable d’un œdème cellulaire. En raison du caractère inextensible de la boite crânienne, l’oedème cellulaire cérébral entraîne des symptômes neurologiques sévères pouvant aboutir à la mort. La situation est différente lorsque la concentration plasmatique de sodium est modifiée lentement. Dans cette situation, l’augmentation du contenu en eau cérébrale est nettement moindre et les patients sont cliniquement asymptomatiques.

1.3 Régulation des osmolytes et du volume cellulaire

La seule façon de maintenir un volume cellulaire cérébral normal en face d’une hyponatrémie persistante est d’éliminer des solutes intracellulaires, ce qui est suivi d’une perte osmotique d’eau. Le sodium, le potassium, les solutes organiques (inositol) et certains acides aminés comme la glutamine et la taurine contribuent à cette réponse adaptative. Le sodium et le potassium rendent compte approximativement de 2/3 de cette perte de solutes cellulaires. Les modifications fractionnelles sont cependant différentes puisque seulement 10 % des cations cellulaires sont extrudés alors que plus de 60 % des solutes organiques sont éliminés. Ces solutes organiques jouent un rôle physiologique important et ont été appelés osmolytes. Bien que la perte de n’importe quel type de solutés tend à corriger l’oedème cellulaire, les osmolytes ont un avantage supplémentaires car la modification de leur concentration n’interfèrent pas avec les fonctions protéiques cellulaires (à la différence des modifications de la concentration intracellulaire de sodium et de potassium).

Des considérations analogues s’appliquent à l’hypernatrémie bien que les mouvements d’eau et de solutes se fassent dans la direction opposée. L’augmentation initiale de la concentration plasmatique de sodium produit un mouvement osmotique d’eau depuis la cellule vers l’extérieur et un contraction cérébrale. Dès le premier jour cependant la concentration de solutes cellulaires augmente entraînant un mouvement d’eau vers la cellule et la restauration d’un volume cellulaire cérébral vers la normale. Les osmolytes rendent compte d’environ 1/3 de cette réponse (accumulation d’inositol, de glutamine et de glutamate dans les cellules). L’augmentation de la capture d’inositol dans le compartiment extracellulaire est médiée par une augmentation du nombre de transporteurs de l’inositol dans la membrane cellulaire. Il n’est pas déterminé si la glutamine et les glutamates proviennent de la dégradation des protéines cellulaires ou de la captation dans le liquide extracellulaire.

Mouvement d’eau au cours des hypotonies plasmatiques

1.4 Implications pour la clinique et la thérapeutique

Les flux séquentiels d’eau induits par les modifications de la concentration plasmatique de sodium et de l’osmolalité ont d’importantes implications à la fois pour le développement des symptômes neurologiques et pour le traitement.

D’une façon générale, seules les hypo ou hypernatrémies aiguës sont responsables de symptômes neurologiques (léthargie, comitialité, coma) liés à l’oedème cérébral et à l’atrophie cérébrale respectivement. Les adaptations ultérieures qui restaurent le volume cérébral vers la normale sont généralement si efficaces que peu ou pas de symptômes sont observés chez les patients ayant des modifications chroniques de la concentration plasmatique de sodium (survenant sur plus de quelques jours).

Ces adaptations sont également importantes à considérer pour la vitesse de correction du traitement. En effet lorsque l’oedème cérébral a été partiellement corrigé par la perte de solutes cellulaires, une correction rapide de l’hyponatrémie peut réduire le volume cérébral en-dessous de la normale et produire un syndrome de démyélinisation osmotique incluant notamment une myélinolyse centropontine. Cette affection qui peut aboutir à des lésions neurologiques sévères et irréversibles est caractérisée par une paraparésie, quadriparésie, dysarthrie, dysphagie et coma. Les données expérimentales et cliniques suggèrent que c’est essentiellement les vitesses de correction dépassant 0,5 mmol/l/jour et surtout 12 mmol/l sur 24 heures qui sont susceptibles de provoquer cette complication.

2. Régulation de la volémie

Si le contenu en sodium de l’organisme est modifié, les systèmes d’osmorégulation ajustent la balance hydrique de façon à maintenir une osmolalité normale. La volémie peut être contrôlée en modifiant le contenu en sodium de l’organisme. Le rein contrôle l’excrétion de sodium et donc la volémie. Les systèmes de perception de la volémie sont complexes et il existe plusieurs récepteurs de volume. Ce système de détection est intégré par le système nerveux pour produire une réponse coordonnée neuro-endocrinienne qui régule l’excrétion rénale de sodium.

2.1. Perception de la volémie

Les barorécepteurs répondent à l’étirement vasculaire. Ces récepteurs à l’étirement dans le système artériel à haute pression peuvent détecter des diminutions de la pression de perfusion en particulier lorsque le volume intravasculaire est trop bas. Les récepteurs à l’étirement des systèmes veineux de faible pression peuvent détecter si le volume intravasculaire est trop élevé. Il y a de nombreux récepteurs qui détectent la pression circulatoire, y compris des récepteurs auriculaires à l’étirement, des barorécepteurs carotidiens et l’appareil juxtaglomérulaire et de nombreux mécano-récepteurs tissulaires. La plupart de ces récepteurs ont des liens neurologiques avec l’hypothalamus et la médullaire.


Schéma : régulation de la volémie

2.2. Contrôle de l’excrétion rénale de sodium

L’angiotensine II se lie à des récepteurs AT1 dans le tube proximal, activant le système de messager intracellulaire phospho-inositol-triphosphate (IP3). L’angiotensine II stimule l’échangeur apical Na-H+ et donc la réabsorption de sodium. L’angiotensine II stimule la soif ainsi que la production d’aldostérone, la libération d’ADH et la vasoconstriction rénale et systémique. La rénine est relarguée lorsque la quantité de sodium de l’organisme diminue. Le stimulus est une chute du volume circulant qui augmente l’activité du nerf sympathique rénal (médié par des récepteurs béta-adrénergiques), réduit la tension de l’artériole afférente et réduit le débit de chlorure de sodium à la macula densa.

L’aldostérone diffuse dans les cellules principales du tube collecteur et se lie à des récepteurs stéroïdes de type 1 dans le cytosol (récepteur MR, pour Minéralocorticoïd Receptor). Le complexe migre ensuite dans le noyau, déclenchant la transcription de nouveaux canaux sodium apicaux ENaC et de Na-K ATPase basolatérale. Ces modifications augmentent la réabsorption du sodium. L’aldostérone est principalement régulée par l’angiotensine II et la kaliémie.

Le peptide atrial natriurétique (ANP) est stocké dans des cellules auriculaires sous la forme d’un propeptide qui est clivé puis relargué lors de la distension de l’oreillette. Ce peptide est aussi produit au niveau des cellules du tube collecteur. Il se lie à un récepteur ANP-A dans les cellules du tube collecteur et agit via le GMP cyclique pour inactiver les canaux sodium apicaux réduisant ainsi la réabsorption de sodium. L’ANP inhibe aussi la libération d’aldostérone et la production de rénine et augmente le débit de filtration glomérulaire en dilatant les artérioles afférentes.

L’hormone antidiurétique (ADH) encore appelée arginine-vasopressine (AVP) augmente la réabsorption d’eau dans le tube collecteur, effet médié par des récepteurs V2 basolatéraux. L’ADH augmente également la réabsorption de sodium dans le tube collecteur par un effet synergique avec celui de l’aldostérone.

Les prostaglandines produites dans la médullaire rénale, notamment les PGE2, augmentent l’excrétion de sodium et d’eau et sont des vasodilatateurs.

La dopamine est sécrétée dans le tube proximal et réduit la réabsorption de sodium en inhibant l’échangeur Na-H+. Cet effet est médié par des récepteurs DA1 qui activent l’adénylcyclase. L’effet est opposé de celui de l’angiotensine II et des agonistes alphaadrénergiques.

Les agonistes alpha adrénergiques agissent via des protéines G pour augmenter l’échangeur Na-H et augmenter la réabsorption de sodium dans le tube proximal.

Le volume extracellulaire influence directement l’excrétion rénale de sodium. La réabsorption tubulaire proximale de sodium et de chlore nécessite la soustraction de ces ions depuis les espaces intercellulaires latéraux. Si le compartiment liquidien extracellulaire est augmenté, la pression capillaire hydrostatique augmente et les protéines plasmatiques sont diluées réduisant la pression osmotique capillaire. Ces modifications diminuent la réabsorption du sel et de l’eau à partir des espaces intercellulaires, favorisant indirectement l’excrétion rénale d’eau et de sodium et réduisant ainsi le volume extracellulaire.