ECN - Item 219
L’hyponatrémie hypo-osmolaire est une affection relativement fréquente dont le risque principal est la survenue d’un oedème cérébral lié à l’hyperhydratation intracellulaire et responsable des manifestations neurologiques. L’importance de l’oedème cérébral et donc la sévérité des symptômes, tendent à s’atténuer avec le temps si bien que seuls les patients avec une hyponatrémie aiguë ou sévère sont réellement affectés.
Les modalités de traitement de l’hyponatrémie dépendent largement de la condition clinique sous-jacente. La vitesse de correction de l’hyponatrémie dépend essentiellment du caractère symptomatique ou non de l’hyponatrémie.
L’hyponatrémie sévère, notamment lorsque son début est aigu, peut entraîner un oedème cérébral avec le risque de lésions neurologiques irréversibles ou de décès. Cette situation survient essentiellement lorsque de grandes quantités de fluide hypotonique ont été administrées, notamment chez des patients en situation post-opératoire chez lesquels les douleurs, l’hypotension, la nausée et les médicaments peuvent favoriser la sécrétion d’ADH et limiter les capacités rénales d’excréter l’eau ou encore à l’occasion d’une hyponatrémie aiguë induite par un traitement thiazidique.
Cependant, dès le premier jour d’hyponatrémie aiguë, le cerveau s’adapte en éliminant de l’eau extracellulaire dans le LCR et en éliminant de l’eau intracellulaire en extrudant du sodium et du potassium ainsi que certains solutés organiques appelés osmolytes afin de diminuer et normaliser le volume cérébral. Une hyponatrémie de développement progressif sur plus de 2 à 3 jours est donc a priori moins susceptible de provoquer des symptômes neurologiques.
Adaptation cérébrale à l’hyponatrémie. La diminution de l’osmolalité extracellullaire induit un déplacement d’eau vers la cellule d’où augmentation du volume intracellulaire et oedème tissulaire (1). Dans la boite cranienne inextensible l’oedème cellulaire augmente la pression intracranienne ce qui est responsable des symptomes neurologiques. Un mécanisme d’adaptation se met rapidement en place : après 1 à 3 heures le volume extracellulaire cérébral diminue par d’une part extrusion d’osmolytes intracellulaires (ions Na et Cl) vers le compartiment extracellulaire (2) et d’autre part transfert d’eau vers le liquide céphalo-rachidien (3).
Adaptation cérébrale à l’hyponatrémie chronique. Si l’hyponatrémie persiste des osmolytes organiques comme la phosphocréatine, le myoinositol et des acides aminés, en particulier la glutamine et la taurine, sont expulsés de la cellule. Ce transfert d’osmoles s’accompagne d’eau et diminue l’oedème cérébral. Chez ces patients avec une hyponatrémie d’installation plus lente (sur 72 à 96 heures ou plus) le risque de démyélinisation osmotique augmente si l’hyponatrémie est corrigée trop rapidement. Ci-dessous participation respective des osmolytes dans la phase d’extrusion pour réduire l’oedème cellulaire.
Inversement dans cette situation au cours de laquelle le volume cérébral en excès a été normalisé, la correction trop rapide d’une hyponatrémie sévère (natrémie inférieure à 110 115 mmol/l) peut aboutir au développement de lésions neurologiques appelées démyélinisation osmotique ou encore improprement myélinolyse centro-pontine (car la démyélinisation peut être plus diffuse et peut ne pas forcément atteindre la région pontine).
Ces lésions démyélinisantes, qui ne sont pas observées lors de correction lente de l’hyponatrémie, peuvent être détectées par RMN. Cependant les signes radiologiques peuvent être retardés jusqu’à 4 semaines après les symptomes neurologiques. Il semble y avoir une susceptibilité individuelle à la démyélinisation osmotique. Les femmes notamment en période pré-ménopausique semblent à plus haut risque de développer des lésions (effet des estrogènes ?).
Les manifestations cliniques de la démyélinisation osmotique sont typiquement retardées pendant 2 à 6 jours après l’élévation de la natrémie. Les symptômes, qui sont souvent irréversibles ou seulement partiellement réversibles, comportent dysarthrie, dysphagie, paraparésie ou quadraparésie, léthargie, coma, convulsions. En accord avec les données expérimentales, les observations cliniques suggèrent que le risque de démyélinisation dépend davantage de la vitesse de correction au cours des 24 premières heures, que du taux maximum de correction atteint à n’importe quel moment. Ces lésions de démyélinisation osmotique sont généralement limitées aux patients dont la natrémie augmente de plus de 12 mmol/l au cours de la première journée ou de 18 mmol/l au cours des 2 premiers jours.
La RMN en séquence FLAIR MR montre des images typiques de myélinolyse centro-pontine. Les zones de basse densité traversent la ligne médiane au niveau des ponts. Cette même région présente un hypersignal en T2 et une diffusion restreinte.
Il règne un certain degré de confusion dans la littérature concernant la définition de l’hyponatrémie aiguë ou chronique. Certains auteurs suggèrent qu’une hyponatrémie est aiguë lorsqu’elle survient en moins de 48 heures avant la survenue d’une adaptation cérébrale significative. Toute hyponatrémie se développant sur un intervalle de temps plus long est considérée comme chronique.
La notion d’hyponatrémie symptomatique ou asymptomatique est plus utile. La plupart sinon tous les patients avec une hyponatrémie symptomatique ont une baisse rapide de la natrémie sur 2 à 3 jours. Parfois une période plus longue est nécessaire, comme par exemple chez les patients ayant une hyponatrémie sévère et symptomatique induite par les diurétiques thiazidiques et chez lesquels l’oedème cérébral peut se développer plus lentement, sur une à deux semaines.
La vitesse de correction de la natrémie dépend donc essentiellement de la présentation clinique.
2.1. Hyponatrémie symptomatique,
En cas d’hyponatrémie symptomatique, le risque principal est l’oedème cérébral et le retard thérapeutique est plus grave que le risque potentiel d’une correction trop rapide.
L’oedème aigu cérébral dans une boîte cranienne inextensible est une situation grave. L’oedème de l’hémisphère cérabral gauche a produit un déplacement et une hernie de l’hippocampe à travers la tente.
La surface du cerveau au cours de l’oedème cérébral présente des convolutions applaties par l’oedème.
Une correction initiale agressive à une vitesse de 1 à 2 mmol/l/h est indiquée pendant les 3 ou 4 premières heures ou jusqu’à résolution des symptômes chez des patients qui se présentent avec des convulsions ou d’autres anomalies neurologiques sévères. Même dans cette situation, la natrémie ne doit pas être augmentée de plus de 8 mmol/l/j au cours des 24 premières heures ou des jours suivants car une adaptation cérébrale partielle est déjà intervenue.
Devenir neurologique et vitesse de correction de l’hyponatrémie
Le traitement fait généralement appel à des solutés salés hypertoniques (NaCl 30‰, 1 à 5 ml/ kg/heure selon la symptomatologie), et/ou par du furosémide pour augmenter l’excrétion d’eau libre. La composition ionique de l’urine sous furosemide est relativement constante ( 70 mmol/l) si bien que chaque litre de diurèse sous furosémide permet l’élimination de 500 ml d’eau libre. Une surveillance attentive des électrolytes sanguins et urinaires doit être réalisée.
La perte nette d’eau peut être calculée de la façon suivante :
2.2. Hyponatrémie asymptomatique
Lors d’une hyponatrémie asymptomatique a priori chronique , il y a peu de risque de signes neurologiques en raison de l’adaptation cérébrale. Il n’y a pas de traitement urgent à envisager et l’anomalie sous-jacente doit être recherchée et corrigée.
Chez ces patients avec une hyponatrémie chronique sévère, le contenu en eau cérébrale n’est augmenté que de 10% environ. Une correction rapide n’est pas indiquée et peut même être dangereuse. La vitesse maximale de correction de la natrémie ne doit pas dépasser 10 mmol/l et par jour. Même à ces vitesses de correction relativement faibles, certains patients peuvent développer des signes neurologiques.
Le traitement fait généralement appel à la restriction hydrique complétée selon les cas par des inhibiteurs pharmacologiques de l’ADH (déméclocycline 300-600 mg x 2 /jour) ou du furosémide pour augmenter la clairance de l’eau libre. Les sels de lithium sont abandonnés en raison du risque de toxicité rénale. Dans ceratines formes de SIADH chroniques ces traitement peuvent être maintenus pendant des périodes prolongées (mois ou années).
SIADH}) | Hypovolémie | Oedèmes | |
Constitution | Variable selon la cause | Aiguë | Lente |
Présentation | Risque neurologique élevé si installation rapide | Signes neurologiques souvent limités par la DEC associée (exception : intoxication par thiazide) | Pas de signe neurologique
Contexte évident (insuffisance cardiaque congestive, cirrhose décompensée, syndrome néphrotique) |
Traitement | Soluté salé hypertonique (30 ‰) + furosémide
Tx de la cause en chronique |
Soluté salé isotonique (9‰) | Restriction hydrique et sodée |
Vitesse de correction | // vitesse de constitution | Rapide si symptomatique (thiazide) | Lente |
Remarques | Risque de surcorrection limité par l’hyperADH persistant | Attention au risque de surcorrection lors de la levée (brutale) du stimulus hypovolémique | Pas de risque de surcorrection (hyperADH persistant) |
3.1. Hypokaliémie associée
En cas d’hypokaliémie associée à l’hyponatrémie (ce qui est observé par exemple au cours des hyponatrémies liées aux diurétiques thiazidiques ou aux vomissements), il est nécessaire de prendre en compte l’effet osmolaire de la déplétion potassique. En effet le potassium est osmotiquement aussi actif que le sodium et l’administration de potassium augmente la natrémie et l’osmolalité chez un sujet hyponatrémique. Dans les situations de déplétion potassique sévère, l’administration de chlorure de potassium seul corrige à la fois l’hyponatrémie et l’hypokaliémie. L’administration supplémentaire de sodium peut aboutir à une élévation trop rapide de la natrémie et de l’osmolalité plasmatique.
3.2. Déplétion volémique
Chez un patient en déplétion volémique vraie, l’administration de soluté salé isotonique peut aboutir à une augmentation trop rapide de l’osmolalité plasmatique et de la natrémie. En soi le soluté salé n’augmente que peu et lentement la concentration plasmatique de sodium mais par contre la restauration de la normovolémie supprime rapidement le stimulus hypovolémique de la libération d’ADH (un résultat comparable peut être obtenu avec l’administration de colloïdes sans NaCl). Ceci aboutit à l’excrétion rapide de l’eau en excès avec une urine maximalement diluée. Une surveillance minutieuse de la natrémie doit donc être effectuée chez ces patients pendant la phase de correction.
3.3. Insuffisance cardiaque
Chez les patients en insuffisance cardiaque, la restriction hydrique est essentielle pour prévenir l’aggravation ultérieure de l’hyponatrémie. La restriction sodée est aussi impérative (il ne s’agit pas de donner du sel à ces malades en surcharge hydrosodée !). Une combinaison d’inhibiteur de l’enzyme de conversion et de diurétique est souvent bénéfique. L’augmentation du débit cardiaque sous IEC diminue l’activation neurohormonale qui limite l’excrétion d’eau. Les diurétiques de l’anse diminuent l’action de l’ADH sur le tube collecteur et diminuent la réabsorption d’eau. Les thiazides doivent être évités car ils altèrent l’excrétion d’eau et peuvent aggraver l’hyponatrémie. Les antagonistes non peptidiques oraux du récepteur V2 de la vasopressine semblent efficaces mais seulement en cours d’évaluation.
Voir en ligne : Hyponatrémie : Signes et diagnostic