ECN - Item 219 - 323
Objectifs :
La concentration des protons (H+) normalement de 40 nanomol/l (nmol/l) de liquide extracellulaire et 100 nmol/l de liquide intracellulaire est régulée de façon extrêmement précise malgré la génération d’environ 1 mmol/kg/jour de protons, c’est-à-dire 70 millions de nmol de protons par jour.
Ces protons générés quotidiennement proviennent pour partie de l’acide sulfurique non volatile (25 mmol) provenant du catabolisme des protéines soufrées alimentaires, d’acides organiques non métabolisés (pour environ 40 mmol).
Un système de tampon
[1] est donc nécessaire pour prévenir de larges variations rapides de la concentration de protons libres. Cependant ces tampons ne modifient pas le contenu global en protons de l’organisme et la charge acide doit être finalement excrétée.
La régulation de la balance acide-base est assurée :
Cette élimination de protons par la ventilation se fait au prix d’une consommation d’un ion bicarbonate qui devra être régénéré par le rein.
La balance acide-base est habituellement décrite par l’équation de Henderson Hasselbalch dans laquelle la concentration de H+ est exprimée sous la forme de son antilogarithme le pH, notion complexe et peu pratique à l’usage. La concentration plasmatique en protons, normalement de 40 nmol/l (valeurs normales 35 à 45 nmol/l) correspond à un pH extracellulaire de 7,40 (valeurs normales 7,35 à 7,45).
Variations du pH sanguin en fonction des variations du rapport HCO3/aPaCO2
Le bilan acide-base peut être décrit plus simplement et tout aussi complètement par l’équation simplifiée :
Dans cette équation [H+] la concentration en protons est exprimé en nmol/l. PCO2 (la pression partielle du CO2 en mmHg) représente le facteur ventilatoire et HCO3 (concentration plasmatique de bicarbonate en mmol/l) est le facteur rénal.
La concentration en protons de l’organisme dépend essentiellement du rapport PCO2 / [HCO3-] et toute modification de l’un de ces facteurs entraîne une compensation respiratoire ou rénale de l’autre terme pour essayer de normaliser la concentration de protons. Ces réponses sont en partie médiées par des modifications parallèles de la concentration en protons des cellules régulatrices au niveau des centres respiratoires ou du tubule rénal. Ainsi le maintien d’une concentration de protons nécessite une réponse compensatoire qui varie dans la même direction que le désordre primitif. Par exemple, au cours de l’acidose métabolique, la ventilation augmente, aboutissant à une chute de la PCO2 qui tend à diminuer la concentration de protons. Cette réponse débute dès première heure et se complète en 12 à 24 heures.
Variations du pH sanguin en fonction des variations de la concentration des bicarbonates plasmatiques. Lorsque la compensation (respiratoire ou métabolique, selon les cas) est insuffisante, le pH se modifie dans le sens de l’acidémie ou de l’alcalémie.
Le rein régule le bilan acide de l’organisme en régénérant environ 70 mmol/jour de bicarbonates, ceci par 2 mécanismes principaux :
En condition stable d’équilibre, la quantité nette d’acide sécrétée et donc la génération rénale de nouveaux bicarbonates est équivalente à la génération métabolique de protons, ce qui préserve le bilan acido-basique.
En cas d’accumulation nette d’acide, le rein répond en augmentant la réabsorption de bicarbonates, en augmentant la sécrétion de protons dans le tube distal et le tube collecteur et enfin en augmentant la production d’ammoniaque, ce qui stimule la génération rénale de bicarbonates grâce à une augmentation de l’excrétion d’ammonium NH4+. En condition normale, l’excrétion urinaire quotidienne d’ammonium est d’environ 30 mmol et peut augmenter jusqu’à 300 mmol mais cette réponse adaptative nécessite plusieurs jours.
2.1. Réabsorption des bicarbonates et sécrétion tubulaire des protons
Le bicarbonate est librement filtré par le glomérule mais la plupart de ce bicarbonate filtré est ensuite réabsorbé pour maintenir des concentrations plasmatiques normales de bicarbonate et donc le pH plasmatique. La réabsorption de bicarbonate dépend de la sécrétion de protons dans la lumière tubulaire. Ces protons sont recyclés par l’anhydrase carbonique et il n’y a pas de sécrétion nette d’acide.
Les ions H+ sécrétés interagissent avec le bicarbonate dans la lumière tubulaire, ce qui aboutit à la réabsorption de bicarbonates. Cependant, lorsque les ions H+ sécrétés interagissent avec un tampon urinaire, essentiellement le phosphate ou le NH3, le résultat final est l’excrétion d’acide. Lorsqu’un acide tamponné est excrété, le nouveau bicarbonate généré dans les cellules rénales par l’anhydrase carbonique est ajouté (retourné) au sang.
La sécrétion de protons est utilisée pour réabsorber le bicarbonate dans les portions proximales du néphron et c’est seulement dans les parties distales du néphron lorsque la réabsorption de bicarbonates est complète que les protons sécrétés interagissent avec les tampons phosphates permettant l’excrétion nette d’acide. Ceci peut intervenir parce que le pKa du système bicarbonate est 6,1 alors que celui du système phosphate est 6,8. Aux valeurs de pH du filtrat initial aux alentours de 7,4 (similaire à celui du plasma), il y a une plus grande quantité de bicarbonates disponible que de phosphates. Au fur et à mesure que le bicarbonate est réabsorbé, le pH urinaire diminue et les tampons peuvent accepter des protons.
2.2. Ammoniurie et balance acide-base
Les cellules tubulaires principalement celles du tube proximal métabolisent la glutamine pour produire de l’ammoniaque NH3 et du bicarbonate. Le bicarbonate entre dans la circulation sanguine et l’ion NaH+ est exporté dans l’urine tubulaire.
NH3 passe dans l’urine tubulaire à partir de la cellule tubulaire par simple diffusion ou par l’échangeur Na-H+. Une fois dans la lumière, NH3 est protonisé pour former l’ion ammonium NH4+ qui sous cette forme ne peut plus rétrodiffuser vers le tube. Dans la branche ascendante large de l’anse de Henle, NH4+ peut être transporté depuis la lumière à la place du potassium par le cotransporteur Na-K-2Cl. De plus, comme la pointe de l’anse de Henle est alcaline, NH4+ dans le filtrat se dissocie pour former NH3 et celui-ci diffuse à travers l’interstitium. L’ammoniaque NH3 est donc progressivement concentré dans l’interstitium médullaire et peut soit diffuser jusque dans la branche descendante fine de l’anse de Henle pour être recyclé et concentré par le système de contre-courant soit diffuser dans le tube distal acidifié où il est protonisé pour former du NH4+ et être excrété dans l’urine.
2.3. Transport tubulaire des protons et des bicarbonates
Tube proximal
80 % des bicarbonates filtrés sont réabsorbés dans le tube proximal. La plupart de la sécrétion tubulaire proximale de protons sert à cette réabsorption de bicarbonate et ne contribue pas à l’excrétion nette d’acide. L’anhydrase carbonique dans le cytoplasme a des cellules du tube proximal et dans la lumière tubulaire facilite la réabsorption de bicarbonate en recyclant les ions H+ sécrétés.
La plupart des ions H+ entrent dans l’urine via l’échangeur Na+H+ (NHE-3) localisé sur la membrane apicale des cellules tubulaires. Cette protéine appartient à une famille de molécules avec 10 à 12 régions transmembranaires et est inhibée par l’AMP cyclique et la déphosphorylation médiée par la protéine-kinase A de sa portion cytoplasmique. L’échange Na-H+ est lié à la réabsorption de sodium et dépend de l’activité de la Na-K ATPase basolatérale. Le cotransporteur basolatéral Na3 CH CO3- transporte la plupart du bicarbonate en dehors de la cellule et vers le plasma péritubulaire. Une fraction du bicarbonate est également transportée par un contre transport NaHCO3-2Cl-.
Bordure en brosse de cellules tubulaires proximales. L’augmentation de la surface d’échange et la richesse de l’activité enzymatique témoignent de l’importance des processus de réabsorption
Anse de Henle
Environ 10 à 15 % du bicarbonate filtré est réabsorbé dans la branche ascendante large de l’anse de Henle. Les mécanismes responsables sont similaires à ceux du tube proximal et impliquent une anhydrase carbonique.
Néphron distal
Dans ce segment du néphron, les ions H+ sécrétés contribuent soit à la réabsorption de bicarbonate résiduel soit interagissent avec les tampons urinaires pour permettre l’excrétion d’acide. Les ions H+ sont tamponnés par les phosphates et surtout le NH3 qui diffuse depuis l’interstitium médullaire vers l’urine tubulaire. Les ions H+ sécrétés qui interagissent avec les tampons ne sont pas recyclés et les nouveaux bicarbonates formés dans la cellule pénètrent la circulation sanguine. Dans le tube distal initial, l’échange Na-H+ rend compte de la plupart de la sécrétion de protons mais dans les parties plus distales, la H+ ATPase est responsable de cette sécrétion de protons.
Le tube collecteur cortical contient 2 types de cellules intercalaires qui sont riches en anhydrase carbonique.
Les cellules intercalaires de type A sécrètent les protons. Cette sécrétion est principalement réalisée par une H+ ATPase apicale mais à un moindre degré par une H-K ATPase similaire à celle de l’estomac. Le bicarbonate généré dans la cellule sort du côté baso-latéral par un échangeur anionique HCO3—Cl-, appelé AE1 (similaire à la molécule de bande 3 sur les cellules érythrocytaires).
Les cellules intercalaires de type B sont similaires à des cellules de type A inversées avec une H+ ATPase baso-latérale et un échangeur bicarbonate-chlore apical. Ces cellules qui sécrètent du bicarbonate ne sont présentes que dans le tube collecteur cortical mais leur rôle physiologique dans l’homéostasie normale de l’acide base reste mal connu.
Les cellules principales ne jouent pas de rôle direct dans les transferts tubulaires acido-basiques mais la réabsorption de sodium à ce niveau génère un potentiel de lumière négatif qui favorise la sécrétion de protons par les cellules intercalaires de type A.
Transport rénal des acides et des bases : synthèse
[1] Tampons physiologiques : Les tampons sont présents aussi bien dans le sang que dans l’urine où ils diminuent la concentration des protons libres. Les tampons sont des acides ou des bases faibles qui ne sont pas complètement dissociés. Un acide peut donner un ion H+ et une base peut l’accepter. Pour une concentration donnée de protons, une quantité définie de tampons existe sous forme d’acide HA et une autre partie sous forme de base A-. Le rapport du tampon acide sur le tampon base pour une concentration donnée de protons est définie par la constante de dissociation pour un couple acide-base (pK). Pour un couple acide-base donné, une variation du rapport de l’acide sur la base modifie le pH.
Différents couples de tampons sont en équilibre dans l’organisme. Le principal tampon extracellulaire est le système bicarbonate-CO2. Les principaux tampons intracellulaires sont le phosphate de sodium (Na2HPO4/ NaH2PO4) et les protéines. Les protéines peuvent se comporter soit comme des bases, soit comme des acides car ils contiennent à la fois des chaînes d’amino-acides basiques et acides. Comme ces systèmes tampons sont en équilibre, des modifications du système bicarbonate-CO2 modifient le pH de l’organisme, ce qui réajuste le rapport acide/base des autres systèmes tampons.
Les poumons modifient le système bicarbonate en altérant la pression partielle en CO2 (pCO2) et les reins en ajustant la concentration de bicarbonate plasmatique HCO3-.
[2] Excrétion d’acide :
L’organisme peut excréter de l’acide par élimination urinaire de protons ceux-ci étant soit associés à un tampon soit sous forme d’ions ammonium NH4+. La sécrétion de protons dans l’urine est inhibée en dessous d’un pH 4,4 et c’est donc le pH urinaire minimal qui peut être obtenu.
La présence de tampons dans l’urine permet à de grandes quantités de protons d’être excrétées pour des pH très supérieurs à 4,4 et en quantité bien supérieure à ce que permettrait une simple excrétion de protons libres.
Le principal système tampon urinaire est le phosphate de sodium. Le phosphate qui n’est pas lié aux protéines est librement filtré par le glomérule et environ 75 % est réabsorbé. Le reste est disponible pour un effet tampon au niveau de l’urine. Cependant l’excrétion de phosphate ne peut être augmentée indéfiniment et comme le pK du phosphate est de 6,8 environ 90 % de la capacité tampon du phosphate est utilisée avant que le pH urinaire ne descende en dessous de 5,7.
En conséquence, la majeure partie de l’excrétion d’acide se fait sous forme d’excrétion d’ion ammonium.