ECN - Item 219 - 323
Objectifs :
Le potassium est le principal cation intracellulaire. La concentration intracellulaire de potassium est d’environ 150 mmol/l contre 4 mmol/l dans les liquides extracellulaires. Le gradient de potassium à travers la membrane cellulaire est le principal déterminant du potentiel électrique transmembranaire. Le potentiel électrique influence l’excitabilité des tissus, comme les nerfs et les muscles y compris le muscle cardiaque et la concentration de potassium doit donc être ajustée à l’intérieur des limites bien précises.
Seul 2 % du potassium total de l’organisme est situé en dehors des cellules, dans le liquide extracellulaire. Pour maintenir une concentration intracellulaire de potassium élevée toutes les cellules utilisent un système de pompe, la Na-K ATPase qui transporte activement le potassium à l’intérieur de la cellule. Ce transport entrant est équilibré par de nombreux canaux qui permettent au potassium de sortir de la cellule. Le potassium intracellulaire peut être contrôlé en changeant l’activité de la pompe ou en modifiant le nombre ou la perméabilité des canaux potassiques.
Dans les cellules tubulaires rénales, il y a une polarisation, c’est-à-dire que la membrane cellulaire est divisée entre une partie apicale et une partie baso-latérale, chacune desquelles ayant des variétés différentes de pompes et de canaux. Ceci permet le transport du potassium à travers l’épithélium tubulaire. Comme pour le transport du sodium, la force principale gouvernant les mouvements du potassium est la Na-K ATPase.
L’apport quotidien moyen de potassium dans l’alimentation est d’environ 40 à 120 mmol. C’est essentiellement les reins qui à long terme assurent la régulation de la balance potassique.
Les reins filtrent environ 800 mmol de potassium chaque jour. Pour maintenir la balance potassique, le rein doit donc excréter 5 à 15 % de la charge filtrée de potassium. Le potassium, comme le sodium, est filtré librement dans le glomérule mais la retouche tubulaire est différente. Les ions sodium sont réabsorbés tout au long du néphron et le sodium qui est finalement excrété dans l’urine est celui qui n’a pas été réabsorbé dans le tube rénal. En revanche, pratiquement tout le potassium filtré est réabsorbé avant le tube collecteur. Le potassium qui doit être excrété est donc sécrété dans le tube collecteur. C’est à ce niveau que se fait la régulation définitive du bilan du potassium.
2.1. Mouvements de potassium à travers la membrane cellulaire
La Na-K ATPase pompe du potassium dans les cellules et il existe une fuite lente de potassium vers l’extérieur de la cellule à travers des canaux potassium, ce qui génère un potentiel négatif à l’intérieur de toutes les cellules par rapport à l’extérieur. Ceci représente le potentiel de repos membranaire à partir duquel se forme le potentiel d’action dans les cellules excitables. Quand la concentration de potassium diminue, le gradient de potassium à travers la membrane cellulaire est augmenté et ceci peut activer des canaux sodium déclenchant des potentiels d’action aléatoires.
L’hypokaliémie peut ainsi augmenter l’excitabilité neuronale et cardiaque en favorisant des arythmies. A l’inverse, une augmentation de la concentation extracellulaire de potassium réduit le gradient de potassium, ce qui inactive les canaux sodium et tend à rendre les cellules moins excitables. Dans les 2 cas, la nature des symptômes cardiaques ou neuro-musculaires dépend de la durée de l’anomalie potassique et surtout de sa vitesse de développement. La concentration de potassium intracellulaire tend à se modifier pour compenser les fluctuations extracellulaires. Une hypokaliémie chronique entraîne un déplacement du potassium vers l’extérieur des cellules et une hyperkaliémie chronique, une rentrée intracellulaire de potassium.
2.2. Régulation des mouvements du potassium à travers la membrane cellulaire :
L’insuline stimule l’échange sodium-proton à travers la membrane cellule et l’augmentation de la concentration de sodium intracellulaire stimule l’entrée de potassium par la Na-K ATPase.
Les agonistes béta 2 adrénergiques activent la Na-K ATPase et diminuent la kaliémie (ex : hypokaliémie des syndromes catacholergiques à la phase aiguë de l’infartus). Inversement un blocage des récepteurs béta (ex : Béta-bloqueur non sélectif) peut augmenter la kaliémie.
Le pH : Quand les protons rentrent dans la cellule, ils peuvent déplacer du potassium si bien que l’acidose peut augmenter la concentration plasmatique de potassium. Les hormones thyroïdiennes favorisent la synthèse de la Na-K ATPase et ceci peut entraîner une hypokaliémie.
Effets des différentes hormones (beta-adrénergiques, insuline, aldostérone) sur les mouvements transmembranaire du potassium. Un mécanisme similaire détermine si le potassium se redistribue à travers les membranes cellulaires lorsque une charge acide est ajoutée à l’organisme. La plupart des protons sont tamponnés dans le compartiment intracellulaire. Un transfert de potassium ne survient que si l’anion qui accompagne le proton ajouté reste dans le compartiment extracellulaire. Ainsi lorsque le proton rentre dans la cellule, le sodium sort en laissant moins de sodium dans le compartiment intracellulaire pour être exporté d’une façon électrogénique si bien que le potentiel de membrane de repos devient moins électronégatif. La situation inverse explique l’effet hypokaliémiant du bicarbonate de sodium. Lorsque le proton sort des cellules, le sodium rentre de façon électroneutre. Il y a alors davantage de sodium dans la cellule disponible pour être transporté par la NaK-ATPase si bien que le potentiel de membrane de repos devient plus électronégatif.
3.1. Mouvements du potassium le long du néphron
Tube proximal.
65 % du potassium filtré est réabsorbé dans le tube proximal. Aucun canal potassium spécifique pour cette réabsorption n’a été identifié. La réabsorption de potassium est étroitement couplée à celle du sodium et de l’eau et se fait dans les mêmes proportions. La réabsorption du sodium gouverne celle de l’eau qui peut entraîner un peu de potassium avec elle. Le gradient de potassium résultant de la réabsorption d’eau depuis la lumière tubulaire promouvoit la réabsorption para-cellulaire de potassium et pourrait augmenter la soustraction de potassium à partir des espaces para-cellulaires via la Na-K ATPase. Dans la partie terminale du tube proximal, le potentiel de lumière positif favorise aussi la réabsorption de potassium par la voie para-cellulaire.
Anse de Henle
Dans les segments fins un peu de potassium rentre dans la lumière au niveau de la branche descendante fine de l’anse de Henle mais ceci est contrebalancé par le mouvement de potassium en dehors de l’anse vers le tube collecteur médullaire. Le résultat net aboutit à un recyclage du potassium à travers l’interstitium médullaire.
Environ 30 % du potassium filtré est réabsorbé dans la branche ascendante large de l’anse de Henle. Comme dans le tube proximal, cette réabsorption de potassium est liée à celle du sodium. Elle est médiée par le transporteur Na-K-2Cl mais il y a aussi une réabsorption paracellulaire significative favorisée par le potentiel positif dans la lumière tubulaire.
Tube distal
Le tube distal peut réabsorber davantage de potassium et 95 % du potassium filtré est réabsorbé de façon dépendante du sodium avant que le filtrat n’atteigne le tube collecteur.
Schéma de la régulation rénale du potassium
Tube collecteur
Les cellules principales sécrètent le potassium alors que les cellules intercalaires le réabsorbent. D’une façon générale, la sécrétion de potassium est largement en excès de la réabsorption dans cette partie du néphron. La régulation de l’excrétion du potassium survient dans ce segment et résulte principalement des variations de la sécrétion de potassium par les cellules principales plus que de modifications de la réabsorption de potassium par les cellulaires intercalaires.
Dans les cellules principales, la Na-K ATPase gouverne la sécrétion du potassium en pompant du potassium dans la cellule à la surface baso-latérale. Cette surface baso-latérale n’est pas très perméable au potassium mais à la surface apicale, les ions potassium peuvent quitter la cellule par des canaux potassiques ou sous forme de co-transport avec le chlore. Le potentiel négatif dans la lumière tubulaire favorise aussi la sécrétion du potassium. Comme la sécrétion de potassium dans le tube se fait le long d’un gradient de concentration, cette sécrétion ne peut continuer que si la concentration de potassium dans la lumière immédiatement à proximité de la surface apicale reste bas. Un haut débit urinaire entraîne le potassium sécrété, si bien que plus le débit urinaire est élevé et plus la quantité de potassium qui peut être sécrétée est importante. Dans les cellules intercalaires, la réabsorption de potassium est gouvernée par la H-K ATPase apicale qui pompe activement du potassium dans la cellule. Les ions potassium quittent la cellule par des canaux potassium baso-latéraux et sont donc ainsi réabsorbés.
Dans le tube collecteur médullaire, il y a une petite réabsorption de potassium mais le potassium atteignant l’interstitium médullaire est largement recyclé par réabsorption dans la branche descendante fine de l’anse de Henle.
Canaux potassium dans le rein
Tous les types de cellule ont des canaux potassium et il existe différents types de canaux potassium même à l’intérieur du rein. Le canal ROMK est présent dans tous les segments du néphron, sauf le tube proximal et représente le principal canal de sécrétion dans les cellules principales du tube collecteur cortical. Ces canaux sont généralement ouverts et favorisent le flux de potassium en dehors de la cellule. Ils sont d’environ 45 Kdaltons avec 2 principaux domaines transmembranaires.
3.2. Adaptation rénale aux variations du potassium
Le rein et la surrénale régulent la concentration de potassium si bien qu’une anomalie persistante de la concentration du potassium reflète habituellement une pathologie rénale et/ ou surrénale. Le contrôle homéostatique du contenu de l’organisme en potassium est obtenu en modifiant le mouvement rénal du potassium.
Bien que la réabsorption de potassium survienne principalement dans le tube proximal et la branche ascendante large de l’anse de Henle, le contenu final de l’urine en potassium est contrôlé par la sécrétion de potassium dans le tube collecteur cortical. Les canaux potassium dans le tube collecteur cortical sont librement ouverts aux mouvements du potassium mais ces mouvements du potassium vers la lumière nécessitent une électronégativité luminale. Ce potentiel négatif est généré par la réabsorption de sodium à travers le canal sodium épithélial (ENaC), celui-ci étant contrôlé par l’aldostérone. Quand la réabsorption sodium est inhibée, par exemple par l’amiloride, la sécrétion de potassium est moins efficace. Inversement une augmentation de débit du sodium au tube distal stimule la sécrétion de potassium.
3.3. Contrôle de l’excrétion rénale du potassium
Kaliémie
L’excrétion rénale de potassium augmente en parallèle avec la concentration plasmatique de potassium. Une augmentation de la concentration de potassium dans le liquide extracellulaire augmente l’activité de la Na-K ATPase à la surface baso-latérale des cellules principales du tube collecteur cortical et ceci stimule la sécrétion de potassium dans la lumière tubulaire. L’inverse survient lorsque la concentration plasmatique de potassium chute. De plus, d’autres facteurs jouent un rôle important.
L’aldostérone
Une augmentation de la concentration de potassium dans le liquide extracellulaire du cortex surrénal stimule directement la libération d’aldostérone. Dans le tube collecteur cortical, l’aldostérone stimule la synthèse de Na-K ATPases et leur insertion dans la membrane basolatérale. L’aldostérone stimule également l’activité des canaux apicaux sodium et potassium, augmentant la réabsorption du sodium et la sécrétion de potassium.
Modifications du pH
La sécrétion de potassium est réduite lors de l’acidose aiguë et augmentée par l’alcalose aiguë. Un pH plus élevé augmente l’activité des canaux potassium apicaux et l’activité de la Na-K ATPase baso-latérale, les deux changements stimulant la sécrétion de potassium. Au cours des modifications chroniques du pH, des modifications compensatrices peuvent survenir mais l’acidose métabolique chronique est encore habituellement associée à une hypokaliémie.
Le débit urinaire :
L’augmentation du débit urinaire dans le tube collecteur réduit la concentration luminale de potassium et stimule donc la sécrétion de potassium.
Débit de sodium :
Lorsque le débit de sodium entrant dans le tube collecteur diminue, il y a moins de réabsorption de sodium. Ceci réduit la concentration de sodium dans les cellules principales et donc l’activité de la Na-K ATPase qui diminue la concentration intracellulaire de potassium et réduit le gradient pour la sécrétion de potassium. De plus, la réabsorption de sodium stimule la différence de potentiel lumière négative, ce qui stimule la sécrétion du potassium.
Hormone anti-diurétique :
Ce peptide réduit le débit urinaire mais pour contrebalancer l’effet négatif de ceci sur la sécrétion de potassium, l’ADH stimule aussi l’activité des canaux potassium apicaux, ce qui permet de maintenir une sécrétion de potassium adaptée.
Médicaments affectant l’excrétion du potassium :
Les principaux médicaments affectant l’excrétion du potassium sont les diurétiques qui augmentent le débit urinaire et l’apport de sodium aux sites de sécrétion. L’augmentation du débit urinaire dans le tube collecteur est le principal facteur de la fuite urinaire de potassium induite par le diurétique. Certains médicaments ont des effets additionnels : les diurétiques thiazidiques réduisent la réabsorption de sodium et de chlore dans le tube distal. Comme la réabsorption de potassium dans le tube distal dépend de la réabsorption de sodium, il y a une réduction de la réabsorption de potassium.